Plus j'connais l'homme, plus j'aime les chiens + (libre)

T'aurais peut-être pas dû te lever ce matin. Tu n'savais pas quelle jean enfiler, quelle céréale avaler, combien de pilule aujourd'hui, — es-tu bien ou mal, quelle titre lancer sur ton Iphone bon marché - d'occasion, reconditionné, comme on dit. Tu te lèves quand même du lit, comme des milliards d'individus avant toi, et après toi, faut bien aller en cours — pour toi, cet après-midi seulement. Au fond, ça t'dérange pas, les cours. Mais faut que tu bouges. Et ta vie ? Faut aussi qu'elle s'anime. Qu'elle s'excite. Tu t'ennuies tellement vite. Toi, c'est dans les lettres que tu te complais. Mais tu traines ce matin dans les petits commerces de quartier, pourtant en plein coeur de la ville — et de la vie des gens. Tu n'sais pas vraiment où regarder, y'a tellement de brillance dans les bijouteries — mais toi, c'est pas pour toi. Faudrait un miracle pour que t'aies une bague au doigt. Un bout de réglisse autour de l'annulaire, ça t'suffit, toi. En attendant, tu erres un peu, tu lis les panneaux, les campagnes de prévention contre les ultraviolets. Tu sais que t'es un peu étrange ? Non ? Non, mais tu sais que ça dérange ? Les gens détestent ça. Sois un peu plus normale. Essaie au moins d'en avoir l'air. Le trentenaire ébourrifé là. Il a glissé quelque chose dans sa poche. Tu sais bien qu'il n'a pas l'intention d'être honnête. Tu te redresses, et tu joues l'homme — même si t'as des seins cocotte, faut pas te leurrer. Tu l'attrapes par le bras à l'instant où il te frôle. Tu ne serres pas fort, mais tes yeux ne sourient plus. Tu fais la gueule. Comme tu la fais si bien. Mais il se dégage de ton étreinte, et s'éloigne et les commerçants s'agitent. Toi ce matin, t'as envie d'être héroïque. Tu sais pas pourquoi, tu t'es levée comme ça. Du pied droit, un peu. Non, ça n'veut rien dire. Mais tu cours après lui, ça t'regarde pas, t'es pas actionnaire dans l'industrie des fraises Tagada non plus, mais tu sais pas ; t'as envie de lui courir après — négativement hein. Mais en courant, tu bouscule les passants, et parmi eux, un qui ne se relève pas tout de suite. Ok, t'abandonnes. T'es trop gentille pour renverser quelqu'un sans éprouver de remords. Tu te tournes et tu tends la main. T'essaies même de sourire. — Pourtant t'es agacée, t'as pas couru assez vite. « Pardon. J'courais après un voleur. Mais c'est rien. Vous m'avez... Enfin, je vous ai fait tomber. Vous... Vous.... Pas mal ? » Tu sais que parfois tu sais même plus parler français ? Surtout quand c'est ta faute. Tu serais pas un peu timide parfois ? Non mais c'est sa faute. Pourquoi rester sur le chemin. T'oses un sourire quand même. Tu t'en veux déjà quand tu tues une mouche par accident. Décidément, t'es vouée à la culpabilité.